Dans l’actualité, un livre d’E.Badinter que je n’ai pas lu , opposerait la bonne mère à la femme libre.
Les commentaires sur divers sites et blogs suscités par cette ambivalence sont formels.
D’un côté il y a ceux qui voient en E. Badinter une protectrice de la femme libre, et ceux qui la fustigent de sa critique envers l’allaitement (un joug) et l’alimentation tout bio de bébé (un esclavage), entre autre.
Ce que je constate en analysant les très nombreuses réactions, c’est que E. Badinter voudrait démontrer que pour être une « bonne mère », il ne faut pas être la « mère parfaite ».
A priori, la perfection étant une notion subjective et un fantasme, je suis tentée de ne pas accorder le moindre intérêt à une telle démonstration.
Il s’avère que ses étiquettes de « féministe » et de « philosophe » lui confèrent un poids significatif dans une réflexion pour le moins substantielle :
Qu’est-ce qu’être mère ?
Au-delà de la définition du dictionnaire du mot « mère », (femme qui a mis au monde , qui a porté, nourrit son enfant, enceinte) il y a celle donnée par la société à laquelle on appartient, la société voisine, lointaine, celle que l’on réfute, ou à laquelle on voudrait adhérer, celle dans laquelle on se retrouve, celle qui culpabilise, celle qui fait le jeu des publicitaires, celle de ma Grand-mère..
Il y a un seul dénominateur commun à toutes, c’est le lien à l’enfant.
Penchons nous sur la Déclaration des droits de l’enfant de 1959, qui résume l’essentiel de ce qui est nécessaire pour assurer son développement, sa protection, sa santé, son bien-être son épanouissement.
http://www.droitsenfant.com/declaration_droit_enfant.htm
Le rôle de la mère (du parent) est circonscrit dans ces 10 principes fondamentaux qu’E. Badinter, ni ses détracteurs ne contesteront.
Alors quelle est la nature du désaccord ?
D’abord, il y a le débat antédiluvien et vétuste du « tout blanc » versus « tout noir ».
Qui a au moins le mérite de faire la lumière sur chacune des parties.
Les femmes qui aiment allaiter, les femmes qui n’aiment pas ça, les femmes qui cuisinent des petits plats « maisons »pour leur progénitures, celles qui ne jurent que par le petit pot, celles qui lavent les couches en tissu, celles qui utilisent les jetables..
Merde !
Élevons le débat !
S’agit-il de l’enfermer dans « ma méthode est meilleure que la tienne ? »
Ou au contraire de révéler l’abyme entre être une femme et être une mère ?
Pour les unes ( E. Badinter et consorts ) l’instinct maternel n’est pas physiologique et annihilerait une partie de l’entité féminine.
A savoir une femme ne doit pas être culpabilisée d’aller travailler plutôt que de rester 24/24 avec son nourrisson.
La libération de la femme dans les années 70 a sonné le glas de « la femme au foyer, qu’elle y reste ». Une avancée pour celles qui voulaient faire carrière ou ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation du mâle dominant.
Pour les autres, (les femmes au foyers modernes,celles d’aujourd’hui et consorts), nier la bienfaisance de leur situation à la maison résonne comme une aliénation rétrograde.
L’occupation de leur temps étant consacrées aux tâches maternelles pour lesquelles elles éprouvent du plaisir , ces femmes ne comprennent pas la réprobation dont elles sont l’objet..
Je m’interroge alors sur l’origine d’un tel clivage entre les « bonnes et les mauvaises » mères, les femmes « libres » et les « prisonnières ».
N’y a t’il pas une volonté de la part de chacune des parties de s’affirmer au détriment de l’autre ?
Je vais travailler par ce que je suis une femme libre, j’allaite parce que je suis une bonne mère.
Madame E. Badinter n’aurait-elle pas cédé aux sirènes du prosélytisme du « travailler plus pour gagner plus » ?
J’aimerais bien savoir comment elle a élevé ses propres enfants et quel enseignement elle en a tiré.
J’aimerais savoir si elle a conscience que si pour certaines le travail est un droit , il est surtout un devoir.
Que la majorité des femmes qui ont recours aux plats tout préparés et aux couches jetables le font par économie de temps.
Assumer un travail à temps plein, à moins d’être actionnaire à plus de 10% d’une grosse boîte de pub , en plus d’avoir des enfants est une négociation quotidienne avec son emploi du temps digne de figurer dans le livre des records.
Et peut être que dans ces cas là, les femmes auraient tendance à « oublier » leur féminité.
Mais quelle féminité ?
En quoi l’allaitement est un déni de féminité ? (Quand on est une femme bien sûr, les déviances sexuelles, ce sera dans un autre post).
En quoi proclamer la libération de l’asservissement maternel par le travail un respect du droit de la femme ?
Depuis quand Madame E. Badinter est-elle la garante et la porte-parole de toutes les femmes sans exception ?
Encore une fois, je n’ai pas lu son livre.
Mais le jugement de valeur qui en transpire à travers la foultitude de réactions, laisse à supposer que les milliers d’années de lutte acharnées contre l’oppression et pour la liberté peuvent être foulées au pied par « l’intelligentsia » en excès de zèle.
Car n’y a-t-il pas une forme de pensée plus stérile que celle qui consiste à méjuger, à affirmer, à anathématiser ?
Je suis heureuse de savoir qu’il y a de multiples possibilités dans la manière d ‘être une mère, d’être une femme.
Rassurée par toutes ces voix qui s’élèvent de part et d’autres pour faire exister les divergences.
Tranquillisée pour l’instant car aucun n’a encore conçu le dessein de légiférer sur des inepties telles que l’obligation ou l’interdiction de l’allaitement.
Puisque chacun fait comme il le souhaite, quel est le problème soulevé par E. Badinter ?
Rendre à César la place de la femme tronquée par le rôle de maman.
Je peux comprendre que pour certaines femmes frustrées ou névrosées, (à l’instar d’exemples lus ici et là) le livre soit un réconfort pour elles qui n’assument pas leur prise de position.
Et qui ont besoin d’un Grand Manitou pour les encourager dans la voie du petit pot.
Et qui ont besoin d’un interprète respectable pour leurs angoisses telles que :
« Je vais au Spa 3 fois par semaine, chez l’esthéticienne, chez mon coach sportif, j’ai souvent la gueule de bois des soirées de boulot capitales pour mon avancement, je déteste cuisiner et je confie mes enfants à une baby sitter au noir. Suis-je une bonne mère ? »
« J’ai eu une grossesse épouvantable, un accouchement difficile, ma promotion refusée à cause de mon congé mat, un allaitement qui m’a déformé les seins et qui m’a rendue moins désirable aux yeux de Jules , une sainte horreur du scato et donc de changer les couches, ai-je le droit de vouloir à tout prix me sortir de là ? »
Après tout, Madame E . Badinter est la voix de celles qui souffrent à l’image d’une de ses déclarations lors de la promo :
« Ce livre est un cri d’inquiétude. J’ai voulu le publier trente ans , jour pour jour, après « l’Amour en plus », en tentant de faire le bilan de ce qui s’est passé depuis 1980.
Ce qui m’importe , c’est la liberté de choix des femmes, l’égalité des sexes, qui sont contrecarrées par ce modèle de la femme-mère parfaite dominant aujourd’hui. »
Et surtout :
« Je suis une mère « médiocre » comme , je crois , l’immense majorité des femmes. Souvent on croit bien faire et on réalise après qu’on s’est trompée. »
Nous y voilà.
Le fin mot de cette recherche.
Le réhabilitation personnelle.
La maternité pourrait être une valeur cotée sur les places boursières.
Sur laquelle on spécule allègrement.
Si le principe du questionnement est l’essence même de notre psyché, il est aussi un fonds de commerce pour les « bien-pensants ».
Il ne faut pas l’oublier.
On était en droit d’attendre qu’ E. Badinter dont le mari s’est illustré dans des combats prestigieux et efficaces , mette à profit sa matière grise pour autre chose qu’une trompeuse analyse .
Cette prétendue observation d’entités aussi copieuses que « femme » et « mère » ne serait rien d’autre qu’une connivence surfaite avec des lecteurs motivés par l’écho de la déception ?
Je ne lirai pas quelque chose d’aussi infécond sur un sujet si vaste qu’il ne mérite pas les raccourcis.
En revanche, je m’interroge, sur la capacité d’épanouissement de chacun dans tous les domaines, y compris l’existence et l’enfantement.
Et je crois que le conflit « mère » « femme » à l’origine de mon billet est avant tout un problème individuel dont la clef se trouve en chacun, en chacune de nous.
Comme je l’ai soulignée, la préoccupation de l’enfant , source de la plus grande attention a été clairement définie dans la Déclaration plus haut.
Alors n’y a t’il pas une ambivalence intérieure commune à tous , entre ce que l’on désire, ce que l’on fait, et ce que l’on est, qui, par extension (du domaine de la lutte ?) nous projette dans une infinités de « possible » tant que l’on vivra ?
Au lieu d’une inquiétude , qui a titillé l’ego d’E. Badinter, ne faut il pas simplement accepter la foultitude de choix , et en renonçant à toujours tout optimiser, à vouloir faire systématiquement le bon, s’approprier ce qui n’en est pas moins le nôtre ?
Cela rejoint l’idée d’assumer qui on est, en dépit des hordes discriminatoires souvent animées par leur propre inassouvissement.
Pour ma part, qu’une mère allaite, ou pas, qu’elle passe des heures à la cuisine pour préparer une nourriture « saine » ou qu’elle s’en remette aux étiquettes collées sur les emballages du « tout-prêt », qu’elle s’accomplisse dans son boulot, qu’elle s’accomplisse à la maison, n’a strictement rien de contradictoire avec le fait d’être une femme.
Une femme n’a pas besoin d’enfant pour être. Elle l’est dans sa nature sexuée.
Une mère (un parent) répond de la vie d’une personne à sa charge.
A priori jusqu’à la majorité du gamin.
Et tant qu’elle (ils) respectent les droits vus dans le code, chacun ses ficelles pour y arriver.
En conclusion, opposer « une bonne mère » et « une femme libre » revient à créer le buzz.
Dans l’imaginaire collectif, la pensée ordinaire, on est soi l’un soit l’autre et vouloir être « parfaite » une utopie selon E. Badinter qui avoue son propre échec en la matière.
Et si on était simplement soi ?
Et si on laissait à ses amateurs de sensationnalisme leurs chicanes d’un autre âge ?
Et si on était heureux d’être une femme, une mère ou pas, un homme, un grand-oncle, que sais-je.. et si on vivait bien, nous, avec toute notre substance ?
(Comme quoi, l’argent ne fait décidément pas le bonheur ! )
Et si on affrontait nos doutes, et si on commettait aussi des impers, des erreurs, et si c’était tout simplement tout ça ensemble, vivre ? Etre une femme, une mère... exister.